Comment réunir les hautes valeurs morales dans un monde si épars?

De quelles hautes valeurs morales parle-t-on dans un monde qui nous semble en désordre et si dispersé? Ces valeurs sont-elles universelles?

Cette planche sur le thème annuel 2017 du Grand Orient de Suisse a été lue dans le cadre de notre tenue blanche ouverte pour le solstice d’hiver 2017 (tenue ouverte à des non maçons).

Chères visiteuses, chers visiteurs,

Comment réunir les hautes valeurs morales dans un monde si épars?

1. Tel est le thème choisi cette année par le Grand Orient de Suisse, l’obédience dont notre atelier est membre.

2. Les pistes de réflexions qui suivent sont le fruit d’un effort collectif. Je tiens à remercier tous mes frères qui y ont contribué leurs idées.

3. J’ai moi-même accepté avec enthousiasme de vous faire un bref exposé sur ce thème en me disant qu’étant quelqu’un d’origine différente, cela pouvait déjà constituer en soi un symbole. Je viens d’un autre continent, d’une autre culture et je peux partager des valeurs pas nécessairement opposées aux vôtres, mais sensiblement différentes à certains égards.

4. Ma simple présence en ces lieux dénote d’une certaine ouverture d’esprit qui prévaut au sein de notre Ordre et constitue peut-être un début de preuve de la possibilité de réunir des gens de bonne volonté et bien intentionnés autour de certaines valeurs.

5. Mais de quelles hautes valeurs morales parle-t-on dans un monde épars ? i.e. dans notre monde actuel qui nous semble en désordre et si dispersé ? Ses valeurs sont-elles universelles ?

6. Très brièvement, je reviendrai d’abord sur l’acception de “hautes valeurs morales” telle que nous l’envisageons. Ensuite, j’ébaucherai des pistes de réflexions qui pourraient nous guider sur la voie vers la convergence sinon la conciliation de ces hautes valeurs morales. A contrario, j’aborderai une perspective différente qui envisage qu’il ne soit pas possible de réunir ces hautes valeurs morales.

7. Enfin, je soulignerai le rôle central que peuvent jouer la fraternité et la solidarité humaines. Ces valeurs-ci transcendent à mon avis la souveraineté des nations, les religions, les races, les egos, les intérêts égoïstes, la soif de pouvoir et de domination, l’avidité et la cupidité, bien souvent trop présents dans notre monde où il est parfois plus facile de diviser que de rassembler.

8. Premièrement, de quelles hautes valeurs morales parle-t-on? Sont-elles universelles?

9. La devise de la République française énonce trois valeurs cardinales “Liberté, égalité, fraternité” qui peuvent nous orienter. Des notions telles la liberté, la paix, la justice et l’unité se retrouvent dans les devises de la plupart des pays sur les cinq continents.

10. A ces valeurs bien répandues, j’ajouterai aussi celle de service, de solidarité et de charité. Martin Luther King disait ceci au sujet du service: “tout le monde peut servir. Vous n’avez pas besoin d’un diplôme universitaire pour servir. Vous n’avez besoin d’accorder le verbe avec le sujet pour servir. Vous avez simplement besoin d’un coeur plein de grâce. D’une âme régénérée par l’amour.”

11. L’amour que chante Saint Paul dans son hymne à la charité fraternelle, un texte plein d’émotion et de beauté qui articule merveilleusement les plus hautes valeurs morales de la tradition chrétienne.

12. Quid de l’écologie, vue par certains comme une des valeurs morales les plus importantes du moment? Je ne saurais être exhaustif dans l’énumération de ces valeurs. Mais, de toute évidence les valeurs morales ne sont pas universelles i.e. unanimement reconnues comme telles. Ces valeurs nous les appréhendons et les vivons de manière différente. Elles évoluent dans le temps et dans l’espace.

13. Nos perceptions individuelles et ressentis personnels quant à ces valeurs diffèrent ; tout comme il en est de nos perceptions des couleurs ou de la beauté. Quoi de plus normal ! C’est cela même toute la mesure de l’Homme grand H, un être ondoyant et divers.

14. Deuxièmement, la question pratique c’est comment donc réunir les plus hautes valeurs morales ? Qu’est-ce qu’on y gagne et quelle légitimité pour ce faire?

15. Comme dans toute stratégie gagnante, il est nécessaire d’avoir de la vision, de la volonté et de la persévérance pour y parvenir.

16. Beaucoup d’efforts et d’initiatives gouvernementales, non gouvernementales et citoyennes existent. Certaines fonctionnent tant bien que mal et tendent fermement vers l’idéal de convergence des intérêts communs et des valeurs morales fondamentales. Par exemple, les Nations unies et les multiples initiatives multilatérales sont bien utiles. D’autres initiatives moins visibles existent également. Mais séparées, celles-ci continuent de s’ignorer.

17. D’où la nécessité de peut-être mieux les organiser sous une certaine forme d’oecuménisme (ou d’alliances), d’en assurer la coordination et la mise en oeuvre effective et de travailler à leur durabilité.

18. Cela me semble possible parce que les évidences historiques d’institutions pérennes telles que les grandes religions, l’Eglise, la famille montrent que la foi indéfectible à une meilleure organisation de la société permet de créer des institutions fortes.

19. Des exemples contemporains de grandes multinationales de la technologie telles Google, Apple, Facebook, Amazon ont rendu beaucoup de choses, jadis impossibles, possibles de nos jours.

20. Ces exemples montrent à souhait que qu’on ne doit pas sous-estimer le pouvoir d’un petit groupe de gens déterminés de parvenir à changer le monde.

21. D’un point de vue constructiviste, c’est également plausible. Les régimes, les structures et les systèmes que l’on met en place se raffermissent sur la durée avec les bonnes stratégies. Ils naissent, grandissent, mûrissent, meurent, se régénèrent, se renouvellent ou se réinventent.

22. Partant de ce postulat, s’il était établi un système de hautes valeurs morales, soutenu par des structures performantes—figurez-vous, l’on pourrait théoriquement promouvoir ces valeurs de façon durable en les réunissant dans un système inventé.

23. Cependant, de même que les hautes valeurs morales ne sont pas universelles, l’idée même de la possibilité de les réunir ne fait pas l’unanimité.

24. Certaines réflexions soutiennent qu’il est impossible de réunir de telles valeurs et qu’il ne faudrait justement pas envisager de les réunir.

25. Une telle perspective peut trouver écho, il me semble, dans l’œuvre “le choc des civilisations” (paru en 1996) du regretté auteur américain Samuel Huntington. Assez controversée, la théorie de M. Huntington décrit une géopolitique du monde—après l’effondrement du bloc soviétique non plus fondée sur les clivages idéologiques (i.e. politiques), mais fondée plutôt sur des oppositions culturelles i.e civilisationnelles, potentiellement conflictuelles et dans lesquelles la religion occupe une place centrale.

26. Toutefois s’il est vrai que l’humanité entière bénéficierait d’un monde prospère, juste et équitable, alors nous n’avons meilleur choix que d’encourager la défense de nos intérêts communs. Lesquels intérêts peuvent être convenablement garanties par la pratique de hautes valeurs morales chères à tous.

27. Finalement, tout en reconnaissant les différences, les oppositions, les inimitiés latentes et omniprésentes, gageons que les plus grandes valeurs morales puissent se vivre comme un sacerdoce par toutes les personnes de bonne volonté, avec pour tâche quotidienne de concilier autant que faire se peut les différences autour des intérêts communs fondamentaux.

28. On prête à l’ancien président américain Bill Clinton d’avoir déclaré que si d’aventure notre monde venait à être attaqué par des extra-terrestres, peut-être qu’en ce moment nous retrouverions plus facilement la fraternité et la solidarité humaines qui semblent si souvent impossibles à mobiliser.

29. En tout état de cause, pour rassembler les hautes valeurs morales, il faudrait à mon sens une prise de conscience individuelle et collective de l’importance desdites valeurs. Ceci serait un bon début.

30. Notre Ordre n’a pas cette prétention de vouloir ni de pouvoir les rassembler. Nous travaillons individuellement et collectivement à l’amélioration matérielle et morale de nous-même et de l’humanité in extenso.

31. La fraternité humaine que nous prônons transcende les différents clivages et peut se révéler un outil efficace. Mon souhait le plus ardent est que par-dessus tout règnent la fraternité humaine et l’amour. C’est eux qui font l’unité dans la perfection, pour paraphraser Saint-Paul.

32. Et si d’aventure les tentatives de rassemblement ou de conciliation des hautes valeurs morales dans notre monde épars s’avéraient infructueuses, il demeurerait toujours une composante de la fraternité à explorer : c’est le respect. Ma question finale est donc la suivante : à défaut de pouvoir rassembler ces hautes valeurs morales, devrait-on juste les considérer comme telles dans leurs cultures et leurs expressions différentes ?

33. J’ai dit.

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