Voleurs de mémoire

Table ronde publique organisée par le Grand Orient de Suisse sur le fléau du trafic illicite des biens culturels

En couverture: photographie du masque de la reine Idia, originaire de Bénin City et conservé depuis 1910 au British Museum

Le Grand Orient de Suisse est heureux de vous convier à une table ronde consacrée à la lutte contre le fléau du trafic illicite des biens culturels

Les biens culturels sont des témoins de la culture et de l’histoire et les sources de l’identité individuelle et collective. Ils jouent un grand rôle dans la représentation qu’une société a d’elle-même. Témoins d’un héritage commun, ils sont des vecteurs de cohésion sociale.

La lutte contre le pillage, le vol et le trafic illicite de biens culturels est un enjeu majeur de notre époque. Les conséquences pour les structures et les pays ainsi spoliés sont profondes et les risques pour la sécurité internationale importants.

Dans ce contexte, comment protéger les biens culturels en période troublée ? Quels sont les différents mécanismes de lutte et les outils à disposition des forces de l’ordre, des musées et des institutions internationales dédiées ? Comment éviter de faire l’acquisition de biens proposés sur le marché de manière illicite ? Et enfin, pourquoi et comment restituer les biens culturels pillés ou volés à leur pays d’origine ?

Autant de sujets de réflexions que des spécialistes reconnus de la question ont accepté d’aborder avec nous au travers de cette table ronde.

INTERVENANTS:

CORINNE CHARTRELLE

Experte Police Nationale projets européens – Commandant divisionnaire honoraire de Police.  Ancien Chef adjoint de l’Office Central de Lutte contre le Trafic des Biens Culturels (O.C.B.C.). 

Après 20 années passées au Ministère de l’Intérieur à la Direction Centrale de la Sécurité Publique, Corinne Chartrelle a rejoint l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels  rattaché à la Direction Nationale de la Police judiciaire, en charge de la protection du patrimoine et des atteintes aux biens culturels. Elle y a exercé les fonctions de responsable de la section opérationnelle, dirigeant les enquêtes nationales et internationales. De 2009 au 1er octobre 2019, elle en est le chef adjoint. Depuis le 1er octobre 2019, elle est Experte police nationale sur différents projets européens de lutte contre le trafic des biens culturels au sein du Centre de recherche de la Police Nationale.

Titulaire d’un Master 2 en Droit du Marché et du Patrimoine, elle enseigne la protection pénale des œuvres d’art au sein de plusieurs masters spécialisés dispensés à la Sorbonne, à Panthéon-Assas et à l’Institut Catholique de Paris. Elle intervient au sein de formations dispensées à l’Institut d’Études Supérieures des Arts, à l’École du Louvre, à l’École des Archivistes ainsi qu’à l’École Supérieure de Commerce de Paris. Elle a participé à de nombreux séminaires et dispense des formations tant en France qu’à l’étranger (Liban, Irak, Bosnie-Herzégovine, Serbie, Bulgarie, Espagne, Italie, Belgique, Jordanie etc.). Elle est également titulaire du diplôme de référent-sureté au sein des services de l’État.

JEAN-ROBERT GISLER

Jean-Robert Gisler (Dr phil., privat-docent) est un archéologue qui se consacre essentiellement à la protection du patrimoine culturel. Il a étudié l’archéologie classique et l’histoire de l’art et a obtenu son doctorat et son habilitation en archéologie classique à l’Université de Fribourg, où il a également enseigné pendant trente ans, après avoir dirigé pendant dix ans l’équipe de rédaction du Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae (LIMC) à Bâle.

Président de l’Association suisse d’archéologie classique (ASAC) (1993-1999) et de l’Association des amis de l’art antique (1997-2016), il a en outre, jusqu’en 2016, coordonné la lutte contre le trafic illicite de biens culturels auprès du Département fédéral de justice et police à Berne et a été nommé expert de l’ONU en la matière. À ce titre, il a collaboré étroitement avec Interpol, l’UNESCO et l’ICOM. Membre de l’Institut du monde antique et byzantin de l’Université de Fribourg, il dispense régulièrement un enseignement d’archéologie classique et de recherche de provenance à l’Université de Berne, au sein de l’Institut für archäologische Wissenschaften. Membre du comité de rédaction de la revue d’archéologie classique Antike Kunst, il en préside la Fondation à Bâle depuis 2010. Actuellement en charge, en tant qu’expert, de divers dossiers de provenance pour les autorités judiciaires suisses et pour l’Office fédéral de la Culture, il participe activement à la recherche et à la restitution de biens culturels volés.

MARC-ANDRE RENOLD

Marc-André Renold est professeur honoraire de l’Université de Genève, titulaire de la Chaire UNESCO en droit international de la protection des biens culturels auprès de l’Université de Genève (depuis 2012). Son expertise est par ailleurs valorisée par son mandat de membre du conseil de fondation de l’ALIPH (Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit) qui réunit des États, des partenaires privés et des experts, garantissant ainsi une vision pluraliste.

Également avocat au Barreau de Genève, il pratique le conseil et la représentation en justice dans les domaines du droit de l’art et de la culture, de la propriété intellectuelle et du droit international, public et privé (www.renold-gabus.ch).  Il est l’auteur de nombreuses publications (livres, commentaires, articles) dans le domaine du droit de l’art et des biens culturels et du droit international.

VINCENT MICHEL

Vincent Michel est professeur des Universités en archéologie orientale à l’Université de Poitiers, titulaire d’un doctorat et d’une habilitation à diriger des recherches de l’Université Paris-Sorbonne et d’une licence en droit de l’Université Paris-Saclay.

Archéologue et orientaliste, il partage son temps entre l’enseignement, la recherche et le travail de terrain, parcourant et fouillant au Proche-Orient depuis 1994 (Palestine, Jordanie, Syrie, Irak, Liban). S’intéressant à la Libye depuis 2001, il dirige la mission archéologique française depuis 2011.

Expert internationalement reconnu dans la lutte contre le trafic illicite des biens archéologiques au Proche-Orient et en Afrique du Nord, il enseigne cette thématique dans plusieurs universités et écoles tant à l’université de Poitiers, qu’à SciencesPo Paris et à l’école du Louvre.

Fréquemment sollicité comme consultant et expert, il rejoint le réseau des partenaires de la douane et de la police nationale et internationale mais également de l’Unesco et de l’ICOM. Il est l’auteur de plusieurs articles sur cette thématique et organise régulièrement des événements scientifiques internationaux, rassemblant les principaux acteurs dans une approche interdisciplinaire et transversale.

MODERATEUR: PHILIPPE BONCOURT

Philippe Boncour est professeur agrégé et docteur ès lettres. Il a enseigné à l’École des Affaires internationales de SciencesPo Paris jusqu’en 2022 et il est Senior Visiting Fellow à l’Université américaine de Beyrouth. Au cours de sa carrière, il a développé de nombreuses collaborations avec les institutions muséales et les ministères de la Culture de ses différents pays d’affectation. Il a été un des artisans de la première Rencontre mondiale « Patrimoines, sciences et technologies » qui s’est tenue à l’Institut de France en 2019 et de la Déclaration de Paris qui en a résulté. 

Depuis, on lui a confié la coordination et la gestion de plusieurs projets de protection et de valorisation du patrimoine culturel financés par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères. Il a notamment initié et coordonné des formations interdisciplinaires dispensées par des experts reconnus et destinées aux cadres nationaux irakiens, jordaniens et libanais (universitaires, archéologues, policiers, douaniers et magistrats).

 

  • L'IA fonctionne comme une calculatrice sophistiquée, mais elle ne crée pas et n'imagine pas, car elle tire ses connaissances de vastes ensembles de données venues du passé
  • L'IA ne réfléchit pas, elle imite la réflexion humaine, mais elle calcule beaucoup plus vite et sur une quantité plus grande d'informations; ses réponses sont donc le plus souvent plus fiables que celles d’un humain, pour autant que ses sources d’informations soient de qualité
  • Elle ne crée pas les questions et ne conscientise pas les réponses
  • Les progrès de l'IA dans des domaines comme la médecine sont impressionnants, mais son manque de conscience et d'imagination limite sa capacité à innover de manière radicale, comme le feraient un artiste ou un chercheur par exemple
  • L'IA peut être utilisée pour manipuler et influencer les individus, posant des risques pour les libertés individuelles et la démocratie
  • Surtout si nous sommes passifs face à ces outils et lui déléguons nos choix sans esprit critique et sans vérifier leurs sources
  • L'UE est la seule institution à encadrer la programmation et l'utilisation de l'IA, mais des défis persistent, notamment en termes de protection contre les utilisations malveillantes
  • L'impact environnemental des IA est une autre source de préoccupation majeure, nécessitant une évaluation de leur efficacité globale
  • L'IA pourrait libérer du temps pour des activités plus créatives et innovantes, et nous désaliéner de tâches répétitives et peu gratifiantes
  • Mais l’automatisation peut aussi menacer de nombreux emplois
  • Les révolutions industrielles précédentes avaient automatisé les bras et les jambes, déplaçant les emplois vers les services
  • Aujourd'hui, les IAs automatisent les processus cognitifs qui sont justement au cœur du secteur des services
  • Et contrairement aux révolutions industrielles précédentes, qui ont laissé du temps aux sociétés pour s'adapter, la progression de l'IA est tellement rapide que le cadre légal, l'éducation et la formation continue pourraient ne pas être assez rapides pour éviter l'obsolescence cognitive des humains
  • Nul ne sait aujourd'hui quel sera l'impact sur l'emploi et sur sa rémunération, ni comment les impacts sociaux pourraient déstabiliser les sociétés
  • L'adaptation rapide des systèmes éducatifs et la formation continue est essentielle pour tirer parti des avantages de l'IA tout en minimisant ses risques
  • L'accès à ces nouvelles technologies devrait être garanti à tous, en toute égalité
  • Sinon, nous créerions une société à deux vitesses et les laisser-pour-compte pourraient ne plus jamais combler le fossé numérique, avec des risques majeurs pour la stabilité sociale
  • En attendant donc un avenir où l’impact de l’IA n’est pas encore certain, la créativité, l’esprit critique et surtout l'empathie, donc la Fraternité, sont ce qui peut le mieux nous distinguer des machines

Laissons la conclusion à Bergson qui écrivait déjà il y a 100 ans :

« Le corps agrandi a besoin d'un supplément d'âme. Les origines de cette mécanique sont peut-être plus mystiques qu’on ne le croirait; elle ne retrouvera sa direction vraie, elle ne rendra des services proportionnés à sa puissance, que si l’humanité qu’elle a courbée encore davantage vers la terre, arrive par elle à se redresser, et à regarder vers le ciel »

Intelligence Artificielle, Ange ou Démon?