Alain Bauer à Genève, « Faire face aux désordres du monde »

Retour sur la conférence publique d’Alain Bauer organisée par le Grand Orient de Suisse

Photo par Peter Herrmann

Alain Bauer était le 25 novembre à Genève, à l’invitation du Grand Orient de Suisse. Voici la synthèse de cette conférence rédigée par le Grand Orient de Suisse

Le monde va actuellement de crise en crise : sanitaire, environnementale, sociale et sécuritaire, avec des guerres qui éclatent l’une après l’autre. Comment, aujourd’hui, faire face aux désordres du monde ?

C’est pour tenter de répondre à cette question que le Grand Orient de Suisse a invité Alain Bauer à donner une conférence à Genève le samedi 25 novembre 2023. Professeur de Criminologie appliquée, conseiller de longue date aux plus hauts niveaux de l’État français sur les questions de sécurité et de terrorisme, il nous proposera une analyse objective et sans concessions de l’état du monde.

C’est devant une salle comble et après quelques mots d’accueil du Très Respectable Grand Maître du Grand Orient de Suisse, Christophe Ravel, qu’Alain Bauer commence par une brève présentation de ce qu’est la franc-maçonnerie avant de se présenter.

Ce sont des circonstances de son parcours et les événements de la société l’ont amené vers le domaine de la sécurité. Un parcours qu’il dit parfois exagéré dans le récit qu’on en fait, mais qui reste néanmoins celui qui l’a amené à jouer des rôles clés en matière de renseignement et de sécurité en France.

Prenant l’exemple de l’annexion de la Crimée en 2014, il souligne la distinction qu’il y a entre disposer d’informations et savoir les comprendre. De manière générale, le renseignement fonctionne en trois étapes : collecte d’informations, analyse, et exploitation. Dans le cas de la Crimée, les causes de son invasion remontent à la chute du mur en 1989, et toutes les informations étaient bel et bien connues, mais elles n’ont pourtant pas été comprises, ou pas été prises au sérieux.

Comme la médecine, la criminologie commence par poser un diagnostic, avant de pouvoir élaborer la thérapeutique, qui peut être diverse. Il est donc avant toute chose important de comprendre ce qui nous a amenés à l’endroit où nous sommes si nous voulons trouver une issue.

En quelques dates et événements clés, Alain Bauer nous fait traverser les dix années qui ont mené à la fin de la guerre froide, puis les dix suivantes, celles du début de la « guerre chaude ». D’informations obtenues en incompréhensions dans l’analyse, les erreurs de jugement sont nombreuses, autant d’étapes qui nous mènent jusqu’à aujourd’hui : l’Iran, l’Arabie saoudite, l’Afghanistan, la chute du Mur, les promesses faites à la Russie, à l’Ukraine, l’intervention de l’Otan en Yougoslavie.

En fil rouge de cette construction de la guerre chaude, la présence et la place de Poutine, qui passe de l’homme de l’Occident à l’architecte préparateur de la guerre contre l’Occident.

Tous ces événements ont un point commun : les différentes commissions d’enquête mises en place ont beau avoir toutes les informations en leur possession, elles échouent à croire à la réalité des menaces qui s’annoncent.

Le rapport à la violence est différent d’un camp à l’autre. Tandis que l’Occident veut éviter à tout prix l’escalade, la Russie a pour doctrine l’escalade avant toute désescalade. Et tandis que la situation s’envenime, l’occident désarme, tout comme on a démantelé consciencieusement le service public médical jusqu’à l’arrivée de la pandémie de Covid.

Pendant ce temps, les Russes sont présents sur des champs de bataille qui sont autant de répétitions de la guerre à venir. La Tchétchénie, la Syrie, et l’émergence des mouvements religieux extrémistes, auxquels les services de renseignement ne sont pas préparés.

En parallèle, l’émergence des théories du complot achève la déconstruction de la capacité de réflexion et d’analyse des situations, avec une communication abîmée, notamment, par l’usage des médias modernes et la perte des capacités de concentration liés à l’usage des téléphones portables, un outil de communication qui pourrait pourtant être formidable.

Aujourd’hui, la guerre en Ukraine s’enlise, prend la voie de devenir une de ces guerres éternelles comme la guerre de Corée, toujours pas finie en dépit des efforts engagés et de ses millions de morts, ou encore l’affrontement Hamas – Israël.

Le prochain épisode, le troisième, est déjà écrit : l’invasion de Taïwan par la Chine, qui va se produire, puisqu’elle est annoncée sans aucune ambiguïté, notamment par Xi Jinping, pour avant 2032.

Le triangle Arménie-Azerbaïdjan-Turquie, pourrait ensuite être un quatrième épisode.

Quoi qu’il en soit de l’avenir plus ou moins proche, nous sommes d’ores et déjà face à une situation inédite : nous avons toutes les crises en même temps : sociale, humanitaire, environnementale, sécuritaire, etc…  Un cocktail qui amène à un épuisement généralisé, lequel entraîne un énervement généralisé.

La violence physique est à un pic. Les trois dernières années en France sont les trois pires de l’histoire dans les statistiques. Face à une crise de confiance dans les éléments qui devraient permettre de les résoudre les problèmes, la violence apparait comme le moyen le plus rapide d’y parvenir.

La guerre est donc là, chez nous, et nous n’y sommes absolument pas préparés. Un tel constat peut sembler bien sombre.

Mais si la violence est le seul moyen de rééquilibrer la violence, cette voie n’est pas encore inéluctable. Il nous faut d’urgence nous réapproprier notre monde. L’espoir réside dans les citoyens, qui doivent retrouver la confiance dans leurs élus, et se souvenir que ce sont eux qui les élisent. Les citoyens ont trop longtemps et beaucoup sous-traité, ils doivent reprendre la main.

Nous devons apprendre à résister, non pas dans le sens de se mettre en danger aveuglément : un héros mort est inutile, mais que chacun agisse dans la mesure de ses capacités, en héros anonyme du quotidien.

Il nous faut quitter l’algorithme et chercher la connaissance. Travailler à l’humanisme, apprendre à écouter, et entendre, la pensée de l’autre, pour mieux communiquer.

Les francs-maçons qui, par nature, se doivent d’être optimistes, ont un rôle à jouer.

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